Les Cévennes — Là où le chemin devient mémoire

Ici commencent les Cévennes.
Le rythme change.
Le relief se referme
, les vallées se creusent. Les arbres ne sont plus les mêmes.
Chênes verts
,
châtaigniers
,
bruyères
. Le pas devient plus court, plus appliqué. Le soleil filtre entre les feuilles,
l’ombre devient refuge
. Chaque montée est une épreuve douce : elle oblige à ralentir, à respirer, à regarder.
Les Cévennes n’imposent pas. Elles s’impriment.
Elles ne s’offrent pas d’un coup. Elles s’installent par couches,
comme une mémoire qui remonte
. On croise un
hameau désert
, un
toit effondré
, un
vieux figuier
. Rien ne crie, mais
tout parle
. D’un
monde d’avant
. D’un
monde encore là
.

Sur les
drailles
, ces chemins de transhumance foulés depuis des siècles,
le silence est vivant
. Un
faucon passe
. Une
source tinte
. Des
pierres sèches
bordent la piste. On ne sait plus exactement
depuis quand on marche
. On ne sait plus non plus
vers quoi
. Et c’est peut-être ça, marcher dans les Cévennes :
accepter de ne plus chercher. Juste suivre.
Ici,
le chemin de Stevenson
n’est plus un tracé.
C’est une présence.
Une
ligne ténue entre l’oubli et le souvenir
. On pense à lui, bien sûr. À ce qu’il a vu. À ce qu’il a écrit. Il disait :
« Il est de certains lieux qui semblent avoir été rêvés avant d’être découverts. »
Les Cévennes sont de ceux-là.
Sauvages
,
rugueuses
,
habitées par des silences
qu’on n’entend nulle part ailleurs.
On se surprend à
ralentir encore
. Comme si chaque pas risquait
d’effacer ce qui a été préservé
. Une
bergerie effondrée
. Un
sentier à peine tracé
qui file dans la pente. Plus loin, une
femme cueille des herbes
. Elle lève à peine la tête. Elle sourit.
Elle est chez elle. Et quelque part, on commence à l’être aussi.



Ce territoire
ne se donne pas. Il se mérite
. Il demande
patience
,
respect
. Il offre, en retour,
des paysages inchangés
,
des lumières qui touchent au cœur
. Et cette sensation rare d’être
exactement à sa place
:
entre la terre et le ciel
,
entre l’histoire et l’instant
.
Les derniers kilomètres se font dans
un silence presque sacré
. On n’est plus tout à fait le même qu’au départ. Le
fil de Florac
est toujours là, au fond de la poche. Peut-être qu’on y ajoutera
une pierre
,
un brin d’herbe
,
un souffle
.
Le chemin, lui, continue.
Mais ici, dans
les Cévennes
,
il ne traverse pas. Il transforme.

