Le Velay — L’aube du chemin

Le chemin s’élève à peine
, les arbres forment des arches,
l’herbe colle encore à la rosée
. Il y a
des villages posés comme des pierres de gué
. On traverse sans faire de bruit. Quelques volets clos, une étable qui fume encore,
des murs de basalte rongés par la mousse
. Ce n’est pas le genre d’endroit où l’on s’arrête pour une photo. Mais c’est souvent
le genre de lieu qui reste
. Parce qu’il ne cherche pas à être regardé.
Il est là, c’est tout.
On sent vite que ce territoire est
façonné par l’usage
.
Les chemins sont anciens
, pensés pour
les troupeaux
,
les saisons
,
le réel
. Chaque virage a une raison.
Chaque muret a été posé à la main
, un jour, par quelqu’un qu’on ne connaîtra pas. C’est peut-être ce qui émeut dans le Velay :
rien n’est spectaculaire, mais tout est habité
. Pas par du folklore, pas par de la nostalgie. Par
du vécu. De l’utile. Du vrai.
"J’aime mieux marcher que tout autre exercice", écrivait Stevenson dans ses carnets. "C’est un genre d’indépendance que l’on ressent dès les premières lieues."
Dans le Velay,
cette indépendance n’est pas une revendication
.
C’est un état de fait.
Il suffit de suivre, et
le reste vient
.



Le relief se plie sous les pas.
On traverse une haie, une clairière, un replat. Une sente de pierre rugueuse, un champ que
la brume peine à quitter
. Les oiseaux ne sont pas effarouchés, ils font
partie du décor
. Il y a de la
densité partout
: dans la lumière, dans l’air, dans le sol. Ce n’est pas qu’on regarde autrement :
c’est qu’on commence à voir
.
On comprend alors que
le Velay ne propose pas une expérience. Il vous prépare.
Il ne se raconte pas, il vous rend
capable de lire ce qui va suivre
. Il vous réapprend à marcher sans objectif. Il vous dit :
ici, tu peux te taire. Ici, tu peux t’ouvrir.
Et sans que vous l’ayez décidé,
le paysage vous a modifié un peu
. Demain, on s’aventurera plus loin. On passera les premiers cols. Et dans
les plis du Gévaudan
, on apprendra ce que c’est que
d’habiter la solitude
.

